Notre Parrain

Sous-lieutenant Célestin Adolphe Pégoud (1889-1915)

L’intrépide

Né à Montferrat, dans l’Isère, le 13 juin 1889, Célestin Adolphe Pégoud grandit dans une famille modeste. Peu enclin à rester sagement sur les bancs de l’école, n’étant pas non plus attiré par le travail de la terre ou le métier de boucher qui lui étaient destinés, il part seul à l’âge de 14 ans à Paris, où il vit probablement de petits métiers. Dès qu’il atteint ses 18 ans, il s’engage dans l’armée pour une durée de cinq ans. Il sert tout d’abord au 5ème Régiment de Chasseurs en Afrique du Nord, puis au 12ème Régiment de Hussards en métropole et enfin au 3ème Régiment d’Artillerie Coloniale de Toulon. Dans ce régiment, il se lie d’amitié avec le capitaine Louis Victor Carlin, passionné d’aviation. C’est ce-dernier qui initie Pégoud à l’aviation et lui fait faire son baptême de l’air au camp d’aviation de Satory en octobre 1911. C’est une révélation !

L’acrobate

C’est donc aux côtés de Carlin que Pégoud fera ses premiers pas dans l’aviation. Sitôt libéré de son engagement militaire en 1913, il se présente aux épreuves du brevet de pilote civil qu’il obtient le 1er mars. Il se lance alors dans une carrière de pilote d’essai chez Louis Blériot. Il n’hésite pas à tester certains systèmes extravagants, comme le « perchoir », un câble tendu sur lequel l’avion vient s’arrimer et peut en repartir, ce qui lui permettrait de s’arrimer à un navire par exemple (mais ce système ne sera jamais utilisé de manière opérationnelle).

Au cours de l’année 1913, Pégoud rencontre Frédéric Bonnet. Ce-dernier a inventé un parachute permettant à un pilote de sauter de son avion et cherche un volontaire pour l’essayer. Cette idée enthousiasme tout de suite Pégoud qui effectue le premier saut en parachute depuis un avion en vol en tant que pilote le 19 août 1913. Cet exploit, qui était auparavant considéré par beaucoup comme suicidaire, y compris par Blériot lui-même, enchante le pilote et lui donne de nouvelles idées. En effet, ayant abandonné son Blériot XI, il le voit effectuer des acrobaties dans ciel alors que lui-même descend tranquillement sous sa toile. Il se met aussitôt en tête d’effectuer les mêmes acrobaties mais en restant cette fois-ci à bord.

A peine deux semaines après son premier exploit, voici donc que Pégoud fait le premier vol inversé de l’histoire le 1er septembre 1913. Il n’effectue pas moins de 400 mètres la tête en bas, ce qu’il répète dès le lendemain devant des représentants de l’aviation en parcourant cette fois 700 mètres puis en effectuant un tour complet. Bien qu’il soit déjà porté en triomphe, cela ne lui suffit pas et il promet d’effectuer le « looping-the-loop ». Ainsi, le 21 septembre, il exécute à Buc toute une série de figures de voltige, incluant la boucle. C’est la naissance de l’acrobatie aérienne.

Dès la fin de septembre 1913, il part en tournée dans toute l’Europe pour présenter sa voltige aérienne. Il multiplie les prouesses, faisant toujours plus de boucles consécutives, de vol sur le dos, de vrilles… Il se fait même construire un avion biplace pour emporter des passagers lors de ses meetings. Sa tournée dure un an durant lequel il est accueilli par de nombreux pays et partout est acclamé par la foule. Il est même prévu qu’il poursuive aux Etats-Unis, ce qui s’avèrera impossible compte tenu des évènements qui suivront.

L’As

Mobilisé au début de la Grande Guerre, Pégoud postule dans l’aviation. Sa renommée internationale et son appartenance à la réserve lui permettent de servir dès les premiers instants dans l’aviation, ce qui fut loin d’être le cas de tous les pilotes. Au début de la guerre, il exécute des missions d’observation et de lancer de tracts. Très vite, il commence à mener des missions de bombardement qui consistent en un lancer de petits projectiles comme des fléchettes métalliques ou encore des grenades converties en bombes lâchées depuis l’avion. Ensuite arrive la chasse, à laquelle Pégoud s’adonne avec passion. Il fait placer une mitrailleuse sur son Blériot XI et laisse à son mitrailleur Lerendu le soin de tirer sur les avions ennemis depuis la place arrière. Il n’a alors de cesse de pourchasser les aviateurs allemands de manière redoutable. Enchaînant les vols sans compter, il se retrouve parfois dans des situations très délicates desquelles il se tire de justesse.

Le 5 février 1915, il décolle avec Lerendu à bord d’un Morane Saulnier type L pour combattre les allemands comme à leur habitude. Malgré le caractère routinier de la mission, l’équipage accomplit ce jour-là un véritable exploit en abattant au cours d’un même vol un Taube et deux Aviatik, réalisant ainsi d’un même coup les premières victoires de Pégoud et le premier triplé de la guerre. Ceci vaut à Pégoud d’être promu adjudant le lendemain du vol et de recevoir la Médaille militaire le 17 février.

Au cours de l’année 1915, Adolphe Pégoud continue de braver vaillamment le ciel en chassant l’ennemi. Passant d’escadrille en escadrille, c’est toujours avec la même ardeur qu’il décolle chaque jour. Il remporte trois nouvelles victoires le 1er avril, le 28 avril et le 11 juillet. Ses retours d’expérience suivant ses vols et ses victoires sont une aide précieuse pour les autres pilotes qui tiennent compte de ses conseils et suivent ses méthodes. Bien que la notion d’As de l’aviation n’existe alors pas encore, la cinquième victoire de Pégoud revêt un caractère symbolique particulier car elle portera plus tard ce pilote au rang de premier As de la guerre et donc de l’histoire de l’aviation !

Le 31 août 1915, l’As décolle au matin à bord d’un Nieuport X pour ne plus jamais atterrir. Au cours d’un combat tournoyant contre un biplan allemand Albatros B.II, une balle lui tranche l’aorte et son avion s’écrase sur la commune de Petite-Croix. L’après-midi, il reçoit la Légion d’Honneur, trop tard pour qu’il ne puisse jamais la porter. Ce n’est que le 6 septembre que l’équipage de l’Albatros apprend par les journaux français qu’il a descendu Adolphe Pégoud. En effet, ayant eu un problème moteur, il avait dû rompre le combat avant d’en constater l’issue tragique et avait rejoint ses lignes en catastrophe. Le jour même, les deux pilotes allemands décollent en direction du lieu du dernier combat de l’As français pour y lancer une couronne de fleurs portant l’inscription « Den in Kampfe für sein Vaterland gefallen Flieger Pégoud Ehrt der Gegner », ce qui signifie « A l’aviateur Pégoud, tombé en combattant pour sa patrie, hommage du vainqueur ».